Crédit d’impôt sur revenus étrangers : contentieux à venir pour les particuliers ayant reçu des dividendes ?

La jurisprudence CAA Versailles du 20/12/2021 confirmant le caractère non imposable des crédits d’impôt pourrait constituer une brèche permettant aux particuliers ayant reçu des dividendes de source étrangère d’obtenir la restitution d’une partie de l’impôt acquitté en France.

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Dans un arrêt en date du 20 décembre 2021 (n° 19VE03903) rendu en matière d’impôt sur les sociétés, la Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé qu’il n’existait aucun fondement, en droit interne, à l’imposition des crédits d’impôts d’origine étrangère.

Or, l’imposition des crédits d’impôt étrangers fait à ce jour partie intégrante de la mécanique de déclaration des dividendes de source étrangère reçus par les personnes physiques.

On rappelle que la plupart des conventions fiscales bilatérales conclues par la France prévoient une répartition du droit d’imposer les dividendes entre l’Etat de la société distributrice et l’Etat de résidence du bénéficiaire :

  • l’Etat de la société distributrice (ou Etat de source) peut prélever une imposition limitée (cette limite étant généralement fixée à un taux d’imposition de 15 % lorsque le bénéficiaire est une personne physique) ;

  • l’Etat de résidence du bénéficiaire a le droit d’imposer sans limite le dividende, mais doit déduire de l’impôt obtenu le montant de l’impôt déjà supporté dans l’Etat de source (qui est donc constitutif d’un crédit d’impôt).

Sur cette seule base, les modalités de déclaration en France des dividendes de source étrangère auraient pu être assez simples et se borner à demander au contribuable de reporter (1) le montant brut des dividendes reçus, base de calcul de l’impôt français et (2) le montant de l’impôt supporté à l’étranger, constitutif d’un crédit d’impôt déductible du montant de l’impôt français.

Toutefois, deux spécificités propres au droit interne français complexifient le processus, tout en se neutralisant l’une et l’autre.

D’une part, l’article 122 du Code général des impôts prévoit que les revenus mobiliers de source étrangère perçus par des personnes physiques ne sont imposables que pour leur montant effectivement encaissé, après déduction de l'impôt étranger.

D’autre part, l’impôt étranger, en ce qu’il est représentatif d’un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français, serait lui-même constitutif d’un revenu imposable.

Ces contraintes conduisent donc le contribuable à devoir reporter, sur un laborieux formulaire n° 2047 de déclaration de revenus étrangers :

- le montant net du revenu encaissé (après déduction de l’impôt étranger) ;

- un crédit d’impôt calculé sur ce même montant net, à un taux « en dedans » gracieusement fourni par l’administration fiscale sur la notice du formulaire.

Par exemple, un contribuable ayant reçu des dividendes de source étrangère d’un montant brut de 1.000 € et d’un montant net de 850 € après déduction de l’impôt étranger à 15 % devra ainsi déclarer le net encaissé de 850 €, mais majorer le revenu imposable d’un crédit d’impôt calculé au taux « en dedans » de 17,7 %, soit 850 x 17,7 % = 150 €.

Le résultat final sera donc le même (à d’inévitables problèmes d’arrondi près) que si le contribuable avait directement déclaré le revenu brut de 1.000 € et un crédit d’impôt non imposable égal aux 150 € d’impôt acquitté à l’étranger.

L’équilibre de ce curieux édifice semble toutefois pouvoir être radicalement remis en cause par l’arrêt du 20 décembre 2021 rendu par la Cour administrative d’appel de Versailles.

En effet, la cour a rappelé (en matière d’impôt sur les sociétés il est vrai), qu’aucune disposition législative de droit interne n’avait pour objet ou pour effet d’inclure un crédit d’impôt conventionnel, non constitutif d’un revenu imposable, dans l’assiette de l’impôt français.

Or, il nous semble que cette constatation pourrait tout aussi bien être faite en matière d’impôt sur le revenu.

Le caractère imposable du crédit d’impôt, s’il constitue un passage « obligé » du formulaire déclaratif proposé par l’administration fiscale, n’est pas un principe très documenté.

L’administration ne le mentionne qu’une seule fois dans sa base BoFip[1] en indiquant de manière péremptoire que « le crédit d'impôt effectivement imputable constitue un revenu imposable au même titre que le produit y ouvrant droit et doit donc être ajouté à ce produit », sans la moindre indication d’un fondement textuel.

On comprend bien qu’en pratique, cette imposition permet d’éviter aux contribuables de cumuler deux avantages tenant à la déduction de l’impôt étranger et à son imputation sur l’impôt français.

Toutefois, l’avantage consistant à déduire l’impôt étranger est expressément prévu par l’article 122 du CGI et ce texte ne fait aucune distinction tenant à ce que l’impôt étranger ouvre droit ou non à un crédit d’impôt conventionnel… Il ne devrait donc pas appartenir à l’administration fiscale d’en restreindre les effets en l’absence de toute base légale.

Ces considérations nous amènent à croire que les contribuables ayant reçu des dividendes de source étrangère pourraient utilement contester le caractère imposable du crédit d’impôt dont ils ont bénéficié en France.

Bien entendu, l’enjeu serait limité à la restitution de l’impôt français calculé sur l’impôt étranger, soit typiquement 30-34 % de 15 %, revenant au final à environ 5 % du dividende brut. Seuls les contribuables ayant reçu des distributions étrangères exceptionnellement importantes pourraient voir un intérêt à tenter leur chance.

Il serait néanmoins souhaitable que ce contentieux ait lieu, car son issue déciderait peut-être le Législateur et l’administration à refondre les modalités de déclaration des dividendes étrangers vers un modèle plus ergonomique…

[1] BOI-RPPM-RCM-20-10-20-60 n° 90

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