Exit tax : gare à la liquidation de la société après le départ

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L’exit tax doit en principe être recalculé à la baisse si en raison d’une diminution de la valeur de ses titres, le contribuable réalise à l’étranger une plus-value qui s’avère finalement inférieure à la plus-value latente qui avait été constatée lors de son départ de France.

Cette règle de bon sens pourrait toutefois ne pas s’appliquer en cas de liquidation de la société, laissant ainsi à la charge du contribuable une imposition déterminée uniquement sur la valeur de la société à la date du départ et non sur le boni de liquidation réel.

Si une telle issue peut sembler, au premier abord, contraire au principe de respect des facultés contributives, elle pourrait être validée par désir de mettre en échec certains comportements optimisateurs.

Les non-résidents qui ont été assujettis à l’exit lors de leur départ de France peuvent bénéficier, dans un certain nombre de cas, d’un dégrèvement de l’impôt et de sa restitution s’il avait effectivement été payé.

Certains de ces cas manifestent une absence de lien entre le départ du contribuable et une recherche d’évitement de l’imposition de ses plus-values. L’impôt de sortie est ainsi totalement dégrevé :

  • en cas de retour en France du contribuable (sous réserve, bien entendu, qu’il soit toujours en possession des parts ou actions avec lesquelles il était parti) ;

  • en cas d’écoulement d’une certaine durée pendant laquelle le contribuable se sera abstenu de céder ses titres à l’étranger (durée actuellement fixée à 5 ans, ou seulement 2 ans pour les contribuables partant avec des titres d’une valeur inférieure à un seuil de 2,57 M€)[1] ;

  • en cas de donation des titres (car une même opération réalisée hors expatriation aurait « purgé » la plus-value pour aboutir à la même absence d’imposition), sous réserve toutefois d’une clause « anti-abus » qui mériterait de longs développements.

En parallèle de ces dégrèvements totaux de « bonne conduite » existent des dégrèvements partiels plus techniques consistant à ajuster le montant de l’Exit tax pour éviter une surimposition.

L’aliénation depuis l’étranger des parts et actions avec lesquelles le contribuable était parti va certes rendre l’exit tax définitif dans son principe (et exigible si le contribuable bénéficiait jusque-là d’un sursis de paiement) mais le montant final de l’impôt pourra par la même occasion être revu à la baisse par voie de dégrèvement. Deux hypothèses sont prévues :

  • le paiement d’impôt à l’étranger sur la même plus-value (l’impôt étranger étant déductible du montant de l’exit tax) ;

  • la réalisation d’une plus-value s’avérant finalement inférieure à celle déclarée par le contribuable lors de son départ.

Ce dernier cas, qui nous intéresse ici, est aisé à comprendre dans son principe mais assez incertain dans certaines hypothèses de mise en œuvre. L’administration fiscale entend ainsi en faire une curieuse application lorsque la société dont les titres ont été assujettis à l’exit tax fait l’objet d’une liquidation.

La liquidation entraîne en effet l’annulation des droits sociaux, et cette annulation constitue (de même que la vente des titres) un des évènements listés par l’article 167 bis du CGI (au VII. 1. a) comme devant entrainer, d’une part, l’expiration du sursis de paiement et d’autre part (par renvoi du VIII. 1), à un recalcul de l’exit tax sur une base inférieure le cas échéant et au dégrèvement du surplus d’impôt.

Dans ses commentaires du dispositif, l’administration fiscale retient toutefois une approche qui semble ne faire aucun cas d’une baisse de valeur des titres intervenue entre le départ du contribuable et la liquidation.

Elle se borne ainsi à indiquer (BOI-RPPM-PVBMI-50-10-40 n° 260) qu’en cas de liquidation, le dégrèvement de l’exit tax est calculé à hauteur du remboursement d’apport et du boni de liquidation ayant fait l’objet d’une retenue à la source en France.

En d’autres termes, la diminution d’exit tax à laquelle le contribuable pourrait prétendre ne correspondrait qu’à la partie de la plus-value latente faisant déjà l’objet d’une taxation définitive sous forme de boni, et non à la partie de la plus-value latente ayant éventuellement disparu du fait de la baisse de valeur des titres.

S’agit-il d’une simple distraction, que l’administration fiscale reconnaîtrait bien volontiers si elle était confrontée à un boni de liquidation inférieur à la plus-value latente déclarée par le contribuable ?

Ou entendrait-elle à l’inverse, dans une telle hypothèse, maintenir à la charge du contribuable une imposition intégrale du gain latent initialement déclaré lors de son départ, quand bien même ce gain aurait en partie disparu ?

Bien que cette issue semble contre-intuitive et non conforme au principe de respect des capacités contributives, l’administration pourrait être tentée de soutenir cette position dure, si elle constatait que la baisse de valeur des titres est liée à des distributions de dividendes par lesquelles le contribuable a appréhendé les réserves de la société en profitant des conditions fiscales avantageuses liées à son nouveau statut de non-résident.

On sait en effet que l’exit tax est un outil anti-évasion fort mal adapté au cas des sociétés contrôlées par un contribuable et dont la valeur est uniquement faite de réserves distribuables.

Le détenteur d’une telle société peut en effet aisément quitter la France, déclarer sa plus-value latente en bénéficiant du sursis de paiement sur l’exit tax, pour enfin se faire distribuer la valeur de la société sous formes de dividendes.

En lieu et place d’un impôt calculé à 30 %, les dividendes seront exemptés de contributions sociales à 17,2 % et donneront uniquement lieu, si la société est établie en France, à une retenue à la source de 12,8 %. Si la société est établie à l’étranger, aucune imposition ne sera due en France…

Bien entendu, cette distribution n’est pas susceptible de faire expirer le sursis de paiement de l’exit tax. Le contribuable pourra donc conserver ad vitam les titres de la société « vidée » pour maintenir le statu quo. En revanche, gare à lui s’il s’avise de liquider la société…

En effet, le boni de liquidation très faible (voire l’absence de boni) qui sera constaté conduira vraisemblablement l’administration à s’appuyer sur la teneur de ses commentaires administratifs pour maintenir l’exit tax initial et à exiger son paiement, ce qui aboutira à remettre une charge fiscale de 30 % à la charge du contribuable.

En cas de contentieux sur cette interprétation de l’article 167 bis du Code général des impôts, l’administration fiscale pourrait se retrancher derrière l’ambiguïté rédactionnelle du législateur.

En effet, le texte de l’article 167 bis fait uniquement référence à un recalcul de l’exit tax dans l’hypothèse d’une plus-value de cession s’avérant inférieure à la plus-value latente initialement calculée (alors que l’hypothèse d’un boni de liquidation n’est pas mentionnée) [2].

L’interprétation « radicale » consistant à refuser en conséquence tout recalcul de l’exit tax à la baisse en cas de liquidation manquerait de logique et de rigueur, mais elle pourrait à notre avis très bien être retenue par opportunité si elle avait pour effet de mettre en échec une stratégie d’évasion.

il serait donc souhaitable, pour les contribuables, qu’un éventuel contentieux d’interprétation à venir oppose l’administration à un redevable de l’exit tax non critiquable sur ce point, c’est-à-dire un redevable dont la valeur des titres aura baissé pour des raisons économiques et non par l’effet d’un « siphonnage » par dividendes de la société liquidée.

Précisions enfin que l’issue d’un tel litige échapperait à toute possibilité de contrôle du Conseil Constitutionnel : le Conseil d’Etat retient en effet une appréciation très large de la portée de la validation initiale du dispositif d’exit tax en 2011 et semble résolu à refuser à ce titre toute transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur un quelconque aspect de ce dernier[3].


[1] Rappelons toutefois que ce délai était de 8 ans pour les contribuables partis en 2011, 2012 et 2013 et qu’il était (et reste) de 15 ans pour les contribuables partis entre 2014 et 2018.

[2] Précisons aussi, par souci d’exhaustivité, que les hypothèses de recalcul de l’exit tax à la baisse incluent également le cas où “l'accroissement de valeur des titres depuis leur entrée dans le patrimoine du contribuable” serait inférieur au montant de plus-value latente initialement déclarée. Cette hypothèse semble toutefois ne viser que l’exigibilité de l’exit tax résultant d’une transmission à titre gratuit (c’est en tout cas comme ça que nous comprenons la référence maladroite du texte aux « acquisitions à titre gratuit »).

[3] Décision du Conseil d’Etat n° 457349 du 10 décembre 2021 qui se réfère à la décision du Conseil Constitutionnel n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011.

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