BSPCE : les injustices de la condition des trois ans

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On sait que les BSPCE sont dotés d’une fiscalité très attractive permettant à leurs bénéficiaires de soumettre leurs gains au régime d’imposition des plus-values au taux global 30 % (soit 12,8 % d’impôt sur le revenus et 17,2 % de contributions sociales)[1].

Cela distingue les BSPCE des stock-options et autres actions gratuites, dont le régime fiscal n’a eu de cesse de s’alourdir au cours des dernières années pour se rapprocher du niveau de prélèvement des salaires. Les BSPCE demeurent ainsi un des derniers bastions[2] de la fiscalité financière appliquée à des revenus d’activité professionnelle… et le fait que ce dispositif ait été expressément conçu comme tel par le législateur apporte une sécurité juridique très appréciable, dans le contexte actuel de remise en cause des dispositifs plus génériques dits de management packages.

Seule ombre au tableau : le taux d’imposition pénalisant qui est attaché à une vente des actions par le bénéficiaire alors qu’il a exercé son activité (ou son mandat social) pendant moins de trois ans dans la société dont il a bénéficié des bons, sa société mère ou sa filiale.

Précisions que cette condition de durée d’activité minimale de trois ans s’examine sur la période qui s’étend du début de l’activité du bénéficiaire dans la société (et non de l’attribution des bons, peu important que celle-ci soit postérieure) jusqu’à la vente des actions souscrites lors de l’exercice des bons.

A défaut de satisfaire ce minimum de trois ans, le bénéficiaire verra le gain réalisé soumis à un taux d’imposition global de 47,2 % (soit 30 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de contributions sociales).

Cette règle semble bien rigoriste quand on la confronte à la réalité de la pratique. Bien souvent, les bénéficiaires de BSPCE exercent leurs bons et vendent leurs actions sans avoir aucune marge de manœuvre sur le moment auquel ces évènements interviennent.

En effet, pour des raisons évidentes tenant à ménager la possibilité, pour un futur acquéreur, de racheter l’intégralité des actions de la société émettrice, l’attribution de BSPCE est généralement subordonnée à l’adhésion des bénéficiaires à une clause de drag along (ou clause de sortie conjointe) qui les obligera, en qualité de minoritaires, à céder leurs actions en cas de survenue d’une transaction portant déjà sur la majorité des titres.

La survenue de cet évènement obligera donc les bénéficiaires les plus récemment arrivés dans la société à subir une imposition de leur gain à 47,2 %, alors même qu’ils auraient bien volontiers attendu (mais ce désir ne pèse pas bien lourd face un deal qui n’attend pas) l’achèvement de leurs trois ans pour porter l’imposition à 30 %.

Malgré cette injustice, nous sommes assez pessimistes sur la viabilité de pistes de contestation qui permettraient aux intéressés de solliciter le bénéfice du taux favorable par voie contentieuse :

  • le taux défavorable n’a pas les caractéristiques d’une sanction fiscale, à laquelle on aurait pu reprocher de s’appliquer sans considération de l’intention de l’auteur de “l’infraction” ;

  • il n’aboutit pas davantage à une imposition qu’on pourrait qualifier de confiscatoire au regard de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui laisse deviner un seuil critique à 75 % ;

  • enfin, la différence de traitement fiscal entre les bénéficiaires ayant ou n’ayant pas accompli leur période trois ans reste attachée à une situation objective et ne semble pas aboutir à des situations manifestement contraires aux objectifs poursuivis législateur.

Il n’en demeure pas moins qu’un législateur sensible à l’épanouissement des start-up (rappelons que les BSPCE sont réservés aux sociétés jeunes, non cotées ou faiblement capitalisées et détenues au moins en partie par des personnes physiques) et à la prise de risque de leurs talents (ceux-ci viennent en acceptant une rémunération incertaine en equity, en complément d’un salaire fixe moins élevé que celui qu’ils auraient eu dans un grand groupe) pourrait assez facilement régler cette difficulté.

Il nous semble en effet qu’une mesure de tolérance pourrait, sans dénaturer l’esprit de la loi, accorder le bénéfice du taux d’imposition favorable en contrepartie, si la condition des trois ans de présence n’est pas encore acquise au moment de la vente, d’un engagement de l’intéressé de rester dans l’effectif après la vente, au moins jusqu’à l’achèvement de cette période.

Dans l’attente d’un tel assouplissement, les bénéficiaires concernés pourraient toujours se prémunir de l’application du taux défavorable par une opération d’apport des actions issues de l’exercice des BSPCE à une société holding personnelle… sous réserve de respecter les contraintes et précautions propres à ce type d’opérations.

[1] étant précisé qu’une surtaxe sur les hauts revenus peut éventuellement faire monter la note jusqu’à 34 %.

[2] On notera également l’existence, mais c’est un autre sujet, du régime fiscal favorable des revenus de carried interest dans le domaine des fonds d’investissement.

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