Dividendes de source mauricienne : pleine portée du crédit d’impôt de 25 %

Notre cabinet a obtenu gain de cause dans un dossier mettant en jeu l’interprétation de la convention fiscale franco mauricienne. La position acceptée par l’administration fiscale garantit un plein effet au crédit d’impôt forfaitaire de 25 % attaché aux dividendes provenant de l’Ile Maurice en permettant l’imputation du crédit d’impôt sur les prélèvements sociaux.

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L’attractivité fiscale de l’Ile Maurice se manifeste de manière particulièrement notable dans les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et cette dernière. L’article 24 de la convention attribue ainsi aux résidents de France qui bénéficient de dividendes provenant d’une société résidente de l’Ile Maurice un crédit d’impôt de 25 % venant s’imputer sur l’impôt calculé en France.

Fait particulier : ce crédit d’impôt, bien qu’émanant d’une convention « tendant à éviter les doubles impositions » est totalement décorrélé de l’imposition effectivement pratiquée par l’Ile Maurice sur les dividendes, qui s’avère aujourd’hui inexistante. En effet, l’administration fiscale française reconnaît expressément l’existence d’un crédit d’impôt fictif prévu par certains accords « conclus par la France avec les pays en voie de développement » et qui est octroyé « quel que soit le montant du prélèvement effectif de l'impôt étranger ou même en l'absence de tout prélèvement dans l'État d'où proviennent les revenus »[1].

Une personne physique recevant des dividendes de l’Ile Maurice bénéficie ainsi du double avantage tiré de l’absence d’imposition à Maurice et d’une imposition française théoriquement diminuée de 25 points. La charge fiscale devrait ainsi s’en trouver limitée à 5 %, dans le cas le plus général d’une imposition française à 30 % composée du PFU à 12,8 % et des prélèvements sociaux à 17,2 %.

Ce traitement était-il trop beau pour être vrai ? Le doute était permis, car la lettre stricte du texte de la convention fiscale franco-mauricienne pourrait laisser penser que le crédit d’impôt ne s’impute que sur l’impôt sur revenu stricto sensu (c’est-à-dire seulement sur le PFU à 12,8 %) et pas sur les prélèvements sociaux. En effet, l’article 24 de la convention renvoie uniquement, pour l’imputation du crédit d’impôt, à la liste des impôts qui existaient lors de la conclusion de la convention et non au paragraphe supplémentaire indiquant que la convention s’applique également à tout impôt « de nature identique ou analogue ».

Suite à une remise en cause de cette imputation dans le contexte d’une distribution de dividendes d’un montant relativement important, nous avons été heureux de parvenir à convaincre l’administration fiscale qu’il n’en était rien et que l’excédent de crédit d’impôt conventionnel devait bien s’imputer sur les prélèvements sociaux.

D’après nos informations, il semble que cette position de « pleine imputabilité » ait été validée par une direction nationale de la DGFIP.

C’est une excellente nouvelle pour les actionnaires de sociétés établies à l’Ile Maurice, à qui il restera toutefois la charge de gérer les difficultés de report déclaratif induites par l’incommode déclaration n° 2047 des revenus étrangers :

Première difficulté : le fait que le crédit d’impôt soit considéré comme constituant lui-même un élément de revenu imposable s’ajoutant au montant « net » des dividendes (en l’occurrence égal au brut). Une telle imposition ne se justifie ni au regard du droit interne, ni au regard de la jurisprudence Sté HSBC Bank PLC Paris Branch (CE, 31 mai 2022, n° 461519) qui avait pu la fonder sur une particularité rédactionnelle de la convention franco-chinoise de 1984.

Seconde difficulté : le fait que le crédit d’impôt conventionnel reporté en case 8VL de la déclaration semble « programmé », lors de l’émission de l’avis d’impôt, pour ne s’imputer que sur l’impôt sur le revenu stricto sensu, l’éventuel excédent de crédit d’impôt étant abandonné dans des limbes informatiques.

Bien évidemment, les praticiens rompus aux déclarations fiscales sauront bien trouver une manœuvre déclarative permettant d’aboutir au résultat souhaité, l’essentiel étant que l’intention soit claire… et que l’administration fiscale soit d’accord avec le résultat.

Pour conclure sur l’Ile Maurice, précisons tout de même, à l’attention des contribuables qui seraient alléchés par la perspective d’une optimisation fiscale de leur situation, que dans le dossier défendu par notre cabinet, la société mauricienne ayant versé les dividendes était bien évidemment une société assujettie localement à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 %.

A l’inverse, une société non assujettie à l’impôt local, de type « GBLC 2 », se verrait privée du bénéfice de la convention faute d’être considérée comme « résidente » à Maurice au sens de celle-ci (CAA Paris, 29 septembre 2017  n° 15PA01773) et ses dividendes n’ouvriraient droit à aucun crédit d’impôt en France.

Par ailleurs, une société mauricienne pourrait également voir son résultat directement appréhendé par le fisc français sans qu’une distribution à l’actionnaire ne soit nécessaire : soit en application de l’article 123 bis du CGI si cette société se consacre uniquement à la gestion d’un portefeuille financier, soit, si elle est dénuée de substance locale, par une remise en cause plus radicale de l’Etat de son siège de direction effective.


[1] (BOI-RPPM-RCM-20-10-20-60 n° 80)

 
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