Le PEA, piste inexplorée d’optimisation de la fiscalité des BSPCE
Les instructions fiscales publiées par Bercy interdisent actuellement aux détenteurs de BSPCE d’exercer leurs bons à l’intérieur d’un PEA pour réaliser leur plus-value en franchise d’impôt sur le revenu. La base légale de cette interdiction semble toutefois fragile et pourrait justifier un recours.
On connaît les mérites fiscaux du Plan d’Epargne en Actions (PEA), dispositif qui permet au détenteur d’un plan d’y verser une somme (limitée à 150.000 ou 225.000 €, en fonction du type de placements) consacrée à l’acquisition d’un portefeuille d’actions et de bénéficier d’une exonération fiscale sur les plus-values réalisées si aucun retrait n'est effectué pendant une période minimale de cinq ans à compter du premier versement.
Le fonctionnement du plan est simple : un compartiment « espèces » alimenté par les investissements initiaux (versés dans la limite du plafond applicable) est employé à l’achat ou à la souscription d’actions et autres valeurs mobilières éligibles, inscrites sur le compartiment « titres » du plan.
Les liquidités éventuellement générées par la détention des titres (dividendes) ou par leur revente viennent réalimenter le compartiment « espèces » du plan, étant précisé que ces sommes ne sont pas considérées comme des alimentations externes (seules soumises au plafond légal de 150.000 ou 225.000 €) et qu’elles peuvent être, dans l’attente de la clôture du plan, soit conservées en l’état, soit réinvesties dans l’achat de nouveau titres.
La clôture du plan entraîne la constatation d’une plus-value exonérée d’impôt sur le revenu (mais pas de prélèvements sociaux) si elle intervient au moins cinq ans après l’ouverture du plan (comprise comme étant la date du premier versement en numéraire). Tout retrait effectué avant ce délai entraine en revanche la clôture du plan et la pleine taxation de la plus-value.
Le PEA peut donc constituer un outil d’exonération partiel des plus-values, qui bénéficient d’une taxation aux seules contributions sociales (au taux de 17,2 %) sans application de l’impôt sur le revenu (PFU à 12,8 % dans la généralité des cas).
Bien entendu, ce dispositif est très règlementé et comporte nombre d’interdictions portant tant sur certains types d’opérations (« vente à soi-même » de titres déjà détenus hors du PEA) que sur certains types de titres (titres démembrés, actions de préférence, etc.).
Qu’en est-il des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) ?
A vrai dire, la position actuelle de l’administration fiscale est malheureusement on ne peut plus claire. Dans les commentaires du dispositif publiées dans sa base « Bofip impôts», Bercy mentionne à plusieurs reprises l’interdiction qui serait faite aux détenteurs de BSPCE d’exercer leurs bons via un PEA, interdiction qui résulterait selon elle tant d’une prohibition du « cumul avantages fiscaux » que d’une disposition législative excluant spécifiquement les bons de souscription.
Au vu de ces commentaires, il est clair qu’aucune banque ne se risquerait en l’état à laisser un détenteur de BSPCE utiliser les liquidités du compartiment « espèces » d’un PEA pour exercer ses bons, ni encore moins à accepter d’inscrire des actions ainsi souscrites sur le compartiment « titres » du PEA.
C’est donc une perspective d’optimisation ratée pour les détenteurs de ces bons, d’autant plus regrettable que leur potentiel de plus-value peut-être particulièrement élevé lorsque les bons ont été émis aux tous premiers temps de la société et que celle-ci s’est progressivement valorisée au gré de différentes levées de fonds.
Cette situation n’est pas toutefois inéluctable : la position de l’administration fiscale nous paraît en effet contestable et devrait, à notre avis, justifier l’engagement d’un recours pour excès de pouvoir en vue de faire annuler les commentaires de Bercy.
S’agissant tout d’abord de l’interdiction « tendant à éviter un cumul d'avantages fiscaux » (BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20 n° 540), précisons que cet objectif ne constitue nullement un principe général reconnu par la loi, mais tout au plus une thématique commune aux différentes interdictions listées par cette dernière à l’article L. 221-31, II-2° du Code monétaire et financier… Or, l’examen du texte montre qu’en réalité, les BSPCE ne figurent pas parmi les interdictions expressément listées.
Il semble donc que l’administration fiscale ait été « créative » en ajoutant une interdiction non prévue par les textes. Un excellent motif d’annulation du « Bofip », d’autant plus défendable que l’existence d’un « cumul d’avantages fiscaux » (à supposer acquis le principe de prohibition générale de tels cumuls) ne nous semblerait pas caractérisé par l’éligibilité au PEA des actions souscrites par l’exercice de BSPCE.
En effet, le régime fiscal de faveur des BSPCE consiste précisément à appliquer le traitement fiscal des plus-values financières à des gains de nature professionnelle. Partant, la possibilité de faire bénéficier ces gains des exonérations qui sont normalement applicables aux plus-values financières n’est pas constitutive d’un « cumul d’avantages » mais du simple aboutissement d’une seule et même logique.
Une difficulté plus importante est soulevée par l’autre motif d’exclusion énoncé par l’administration fiscale dans les commentaires du Bofip, tenant à ce que la Loi de finances rectificative pour 2013 ait éliminé les « droits et bons de souscription » de la liste des valeurs admises en PEA à compter du 1er janvier 2014.
L’administration fiscale croit pouvoir en déduire que cette exclusion, qui ne vise formellement que les bons, devrait implicitement mais nécessairement s’étendre aux actions résultant de l’exercice de ces bons (BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20 n° 585).
Cette lecture, erronée à notre avis, se fonde implicitement sur une logique « spatiale » qui voudrait, puisque le BSPCE est détenu hors du plan, que l’action résultant de son exercice le soit aussi nécessairement.
Or, il faut le rappeler, l’exercice d’un bon n’est pas une transformation de ce dernier en action. Un BSPCE matérialise le droit du titulaire d’obtenir de la société cible l’émission d’une action pour un prix de souscription donné. La souscription opérée par exercice du bon ne se distingue pas d’une souscription classique, tant au regard du droit des sociétés que des règles régissant le PEA. Une telle souscription devrait donc bien donner lieu à l’inscription des actions sur le compartiment titres du PEA, dès lors que le prix est payé au moyen des fonds du compartiment « espèces ».
Les détenteurs de BSPCE à fort potentiel de plus-value auraient tout intérêt, avant de les exercer, de tenter de forcer les portes du PEA en demandant l’annulation des commentaires du Bofip devant le Conseil d’Etat. L’économie fiscale réalisée en cas de succès serait égale à la partie « impôt sur le revenu » de leur plus-value, soit 12,8 % voire 19 % pour les bons attribués avant 2018.